EXISTENCES INVISIBLES

« Marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux. »

Alexandra David-Néel

C’est en pistant les animaux – en suivant les traces fugaces dans la neige – que j’ai découvert ces paysages qui m’étaient jusqu’alors inconnus, inaccessibles. Je me suis retrouvée face à la montagne, qui m’a imposée, avec une impétueuse générosité, sa puissance et son immensité. Que suis-je face à elle ? Quel poids que mon existence éphémère et ma vulnérabilité face à son immuabilité ? Mon échelle humaine ne m’a jamais parue aussi insignifiante que face à la sienne.

Un étrange sentiment, une drôle d’attraction, m’a pourtant poussée vers elle. Pour la découvrir, la connaître, mieux la comprendre, il a fallu que je l’expérimente avec mon propre corps. Je l’ai longtemps arpentée, gravie à maintes reprises. Avec humilité et respect, toujours, car j’avais conscience aussi de sa dangerosité et de sa primauté.

À force de photographier la montagne sous l’influence de tout ce qu’elle suscitait en moi, le regard toujours attiré par ces sommets parfois hors de portée, je me suis rendu compte que je jouais avec les lumières. Dans ses courbes, sur ses crêtes, ses reliefs ; comme je le ferais avec un corps humain. Tantôt mirage, nappée de brouillard ; tantôt danger, révélée par des lumières brutales sur ses pentes et ses dévers.

Mon but est de parcourir le chemin. Mon objectif est de déterminer le point d’arrivée après y être allée. Enfin, mon rêve est la vue depuis le sommet, qui s’ouvre de tous les côtés jusqu’à l’horizon ; et pourquoi pas, le temps d’un souffle, se laisser porter par les nuages et chanter avec le vent.